INTERVIEW : Gilles MARTIN-CHAUFFIER                         

Avril 2007


Ah ! ces réputations qu’on colle si facilement… Par exemple, lui, on le dit méchant, cynique… Là, dans un restaurant italien de l’ouest parisien, Gilles Martin-Chauffier (accessoirement rédacteur en chef à Paris-Match) est sourire- et il évoque Une vraie Parisienne, « mon dixième livre », précise-t-il avant d’ajouter : « C’est mon neuvième roman ». Et voilà donc un texte allègrement mené qu’on peut lire à deux niveaux : soit pour le plaisir de la lecture, soit parce qu’on est un peu initié aux choses de la vie artistico-politico-parisienne. Dans les deux cas, c’est l’assurance d’un bonheur, d’un plaisir de lecture. Dans cette histoire, Martin-Chauffier nous balade : Paris, Fontainebleau, l’Italie, à nouveau Paris. Ses personnages : une guide touristique pour stars (du rock ou de la finance) ; une rock star américaine ; une attachée de presse aussi déjantée que pathétique ; le rédacteur en chef de Paris Scoop, hebdo « people » et aussi un avocat, un détective ou encore des têtes connues comme Nicolas Sarkozy ou Franz-Olivier Giesbert. Une vraie Parisienne, c’est la version contemporaine des Liaisons dangereuses. Et aussi, pour le moment, la plus pertinente analyse de la « parisianitude ». Rencontre avec un auteur qui se veut juste « extrêmement sincère ».

En fermant Une vraie Parisienne, on se dit que Gilles Martin-Chauffier a des comptes à régler et qu’il ne doit plus avoir un seul ami sur la place de Paris, aujourd’hui…
Mais qu’on arrête de dire que je suis méchant ! Parce que je ne suis pas du tout méchant, je suis extrêmement sincère. Moi, je veux la vérité, rien que la vérité, toute la vérité… Et quand j’avais reçu en 2003 le prix Renaudot des lycéens pour Silence, on ment, j’avais en tête ce livre. Il y avait les histoires de Johnny Hallyday sur un yacht, de Bertrand Cantat qui a battu à mort Marie Trintignant. J’avais mon histoire : une fille avec une star…

Reste à construire l’histoire !
Jean Dutourd m’a dit, un jour : « Quand un écrivain a trouvé son style, il s’assoit à sa table et ça vient… » Je crois qu’il m’a fallu quatre livres pour trouver ma façon d’écrire. J’ai écrit mon premier à 25 ans ; alors, quand on a passé 50 ans, vécu et traversé des drames, on a une oesophage en béton… Et quand on a l’intrigue, on tricote. Chez moi, il y a toujours des scènes, jamais un flash-back. Et une constante : tout doit développer la même idée. Ce livre, Une vraie Parisienne, je voulais initialement le titrer L’Indécence.  

Avouez-le : vos personnages, d’Agnès de Couroye la guide touristique à Bruce Fairfield la rock star, en passant par Coco Danceny l’attachée de presse ou Edouard Breda le rédacteur en chef de Paris Scoop, ne sont vraiment pas d’une grande élégance morale !
Dans mes précédents livres, par exemple dans Les Corrompus (1998) ou Silence, on ment (2003),  j’ai beaucoup évoqué la corruption. Mais cette corruption, aujourd’hui, je n’y crois plus… En revanche, la société française me paraît être confrontée à un risque d’explosion de rage. Dans cette société, il y a vraiment une forme d’indécence… Et pour illustrer cette indécence à travers un roman, j’ai pensé aux stars et à leurs comportements mais aussi aux gens qui les entourent. J’ai aussi voulu glisser, au fil des pages, un certain nombre d’excès…

Des excès que vous avez vus par votre poste de rédacteur en chef à Paris Match ? qu’on vous a rapportés ?
On dira que ce sont des choses que j’ai observées… mais il n’y a pas que moi qui les observe ! Les stars… Ce qui est choquant, par exemple, c’est de voir une star faire de l’humanitaire au Darfour, d’y aller avec son photographe pour faire des photos sur la vente desquelles elle touchera de l’argent !

Agnès de Couroye, votre héroïne, n’est pas spécialement une groupie post-ado…
Quand j’ai imaginé Une vraie Parisienne, je savais que ce serait une fille avec une star. Une fille hypersexy, qui n’a pas 20 ans mais un peu plus de 40 ans, parce que c’est à cet âge-là que la Française a trouvé son style. Je savais aussi les lieux : l’hôtel Bristol à Paris, Fontainebleau, l’Italie…

Un de vos personnages la définit comme une « paris-hyène » !
Cette Agnès a un charme fou mais elle est dangereuse. A 42, 43 ans, elle a jeté ses filets sur Bruce Fairfield parce qu’elle sait que le temps passe, que bientôt ce ne sera plus son heure. Elle est snob et l’argent de la rock star l’intéresse beaucoup ! Au début du livre, on la découvre tellement sûre de sa supériorité : elle est cultivée ; à la fin, elle n’est plus sûre et elle devient odieuse…

Votre rock star, Bruce Fairfield, peut paraître fade, tellement et seulement concerné par lui-même…
Au début, Agnès de Couroye est persuadée qu’elle va mettre facilement le grapin sur cette rock star américaine, donc inculte, brute de décoffrage… Mais voilà, Bruce est plus cultivé qu’il n’en a l’air. Et surtout, il est plein de bon sens. Et très amoureux d’Agnès ! En fait, avec ce livre, j’ai voulu confronter, mettre en contact deux formes de culture…

… dont la parisienne, et toute sa suffisance !
C’est un thème récurrent dans mes livres : la France. Et vu de l’étranger, la Parisienne, c’est la Française… Il y a aussi l’idée que le monde aime, chez nous les Français, nos défauts : notre futilité, notre cynisme. Oui, ça me paraît être ça, une vraie Parisienne- moqueuse,  érudite, beaucoup plus cultivée que la moyenne dans le monde mais ça n’en fait pas pour autant un professeur à Harvard !

Propos recueillis par ©Serge Bressan  

>A lire : Une vraie Parisienne, de Gilles Martin-Chauffier. Grasset, 306 pages, 18,90 €.


 
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