Février 2008
Grosse
tête historique, il a le sens de la formule. Et le jeu dans la peau.
Mais voilà, la formule n’est pas toujours gagnante, avoue-t-il, lui qui
est né dans une famille où l’on battait bien plus les cartes que les
enfants… A 78 ans, Philippe Bouvard continue sur RTL l’animation des
Grosses têtes, émission créée en 1976, avoue fourmiller d’idées et
s’enthousiasme pour son nouveau livre, Tout sur le jeu- sous-titre :
Les joueurs, les jeux, les casinos. Son éditeur fait, lui, aussi, dans
la formule et lance : « C’est un livre tout en un ! » L’homme de plume
et aussi de radio-télé n’a jamais caché sa passion pour le jeu, pour
tous les jeux, au casino, dans des cercles de jeu privés, chez des «
amis »… Il a gagné, il a perdu. « On ne peut pas guérir » avoue-t-il.
Et de glisser que la veille au soir encore, il est allé au casino. «
C’est à vingt minutes de chez moi », murmure-t-il en se présentant
comme « le mari d’une femme de joueur ». Rencontre.
Comment êtes-vous devenu joueur ?
Je suis tombé dans le jeu par
atavisme. Mes grands-parents étaient joueurs… Alors, on est dans la
marmite. On regarde les adultes jouer. Mes grands-parents, eux, c’était
les cartes… C’est assez dangereux de donner certains exemples aux
jeunes…
Aujourd’hui, le jeu semble être partout…
…
c’est même pire que ça ! Vous vous rendez compte, on peut jouer chez
soi pendant dix-huit heures consécutives devant son écran. Oui, le jeu
est devenu un phénomène de société. Il ne faudrait pas que ça devienne
un fléau social. Aujourd’hui, c’est un sujet grand public- merci aux
bandits manchots et aux émissions télé sur le poker !
Vous
semblez regretter un temps où le jeu n’était pas démocratisé…
Je
ne regrette pas. Et en France, les casinos ont survécu parce qu’ils ont
introduit dans leurs murs les machines à sous. Rendez-vous compte, 85 à
90% des recettes des casinos français proviennent de ces machines…
Vous êtes réputé gros joueur… Votre plus gros coup ?
On
dira que j’ai perdu pas mal ! je ne donnerai pas de chiffre, sachez
seulement que j’ai perdu déraisonnablement…
Précisez…
En
une soirée, il m’est arrivé de perdre un an de salaire…
Votre
plus mauvais souvenir de joueur ?
J’étais jeune journaliste et
j’ai débarqué dans une station en Bretagne avec une voiture
toute neuve. A la fin de la soirée, cette voiture, j’ai dû la vendre
pour rentrer !
On dit souvent que le jeu est une drogue…
On
ne peut pas guérir ! On peut réduire la dose… et ça, on ne l’observe
pas avec les autres drogues.
De votre livre, quel conseil
mettriez-vous en avant pour tout joueur ?
Il faut savoir
partir. Tout est là… Parce qu’au jeu, on peut y laisser sa santé, sa
famille…
Le portrait-robot du gagnant idéal ?
Quelqu’un
qui ne sait pas jouer. Il joue n’importe quoi, gagne et ne revient
jamais…
On dit que la Bourse serait aussi un jeu…
On
peut faire un parallèle effectivement entre le jeu et la Bourse. Mais
je ne joue plus à la Bourse ! Un humoriste disait qu’à la Bourse comme
à la guerre, on est tué par des gens qu’on ne connaît pas…
Il
paraît que le casino est un lieu de convivialité…
… de fausse
convivialité, oui. Il y a un décor, des acteurs humains, tout pour vous
faire croire à la convivialité mais le joueur y est seul… Durant toutes
mes années de jeu, j’ai rencontré des gens que, finalement, j’aime
bien. Sûrement parce que le joueur est le dernier aventurier dans une
société d’assistés. Le joueur, c’est un poète !
Ce qui vous
fascine le plus, dans le jeu ?
C’est tout simple : un
casino, c’est le seul endroit où vous pouvez partir avec la caisse du
commerçant et, en plus, on vous appelle le voiturier !
Pour
justifier la pratique du jeu, certains lui donnent une dimension
intellectuelle…
… mais il y a aussi une perversité dans le
jeu. C‘est de plus en plus à la mode, gagner de l’argent sans
travailler. Et le Loto a été un des premiers véhicules de la
démocratisation. Mais le joueur de loto, lui, il peut être raisonnable…
Le rêve d’un joueur ?
Mettre une femme dans une
voiture pour aller au casino. Mais avec les trois, vous ne faites pas
d’économies !
Il existe plusieurs types de joueurs. Philippe
Bouvard, c’est…
Longtemps, j’allais jouer pour perdre. C’est
le jeu compulsif. Du jeu suicidaire. Comme pour libérer ses démons. On
ne peut pas descendre plus bas, il y a alors une espèce de soulagement.
L’adrénaline commence à monter dès que vous savez qu’il y a un casino
dans la région. Quand on gagne, on se sent plus intelligent que les
autres. On exagère ses gains, on minimise ses pertes. Chaque joueur est
muré dans son drame personnel. Tout ça relève de la psychiatrie !
>A lire : Tout
sur le jeu. Les joueurs, les jeux, les casinos, de Philippe Bouvard.
Flammarion, 320 pages, 19,90 €.
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