INTERVIEW : Harlan COBEN                         

mars 2007


 Ne pas se fier aux apparences…Cet homme, au gabarit de basketteur US, transpire la gentillesse, le calme, l’humour. Pourtant, à 45 ans, Harlan Coben est un des maîtres mondiaux du thriller- et il est capable, sans se forcer, d’inventer (et d’écrire) les pires histoires tordues, compliquées, violentes.A preuve, son nouveau roman : Promets-moi. On prend une vielle connaissance, Myron Bolitar, ex-champion de basket, ex-agent sportif, ex-détective de choc, un temps employé du FBI et surtout, héros de plusieurs livres de Coben ; on le retrouve six ans après l’avoir perdu de vue, et il a fait une promesse. D’abord, à une ado- Aimee : promets-moi de ne pas rentrer en voiture à 3 heures du matin avec un copain imbibé d’alcool. Donc, Aimee l’appelle, il arrive et l’accompagne jusqu’à une maison inconnue… Peu après, on apprend la disparition d’Aimee. Ensuite, promesse à la mère de l’ado : je te promets que je vais la retrouver. Evidemment, ce n’est pas aussi simple : Bolitar est soupçonné, il doit mener une enquête pour prouver son innocence- il va croiser petites frappes et gangsters de tout poil. Rencontre avec le maître de nos nuits blanches…

Comment avez-vous retrouvé votre héros Myron Bolitar ? C’est lui qui s’est manifesté à vous ?
L’histoire de Promets-moi m’est vraiment arrivée. J’ai entendu deux adolescents parler, évoquer la possibilité de rentrer en pleine nuit en voiture avec un copain « alcoolisé ». Je leur ai dit : « Si ça vous arrive, voilà mon numéro, téléphonez-moi… » Dans la vie réelle, oui, j’ai fait cette promesse mais, jusqu’à aujourd’hui, ça s’est arrêté là…

… et c’est devenu un roman !
En tant qu’écrivain, je me suis interrogé. Je me suis demandé : « Que ce passerait-il si j’allais chercher quelqu’un à 2 heures du matin et que, hop ! cette personne disparaisse ? » A qui ça pourrait bien arriver ? Là, j’ai saisi qu’un type comme Myron Bolitar pourrait bien faire une promesse aussi idiote ! Alors, j’ai décidé de le remettre en scène après six ans d’absence. Mais je ne voulais pas revenir sur cette absence, je souhaitais une histoire sans lien avec les précédents romans…

Vous pensez qu’en six ans, Myron Bolitar a changé ?
J’aime imaginer, découvrir et inventer ce qui s’est passé dans la vie de Myron Bolitar mais aussi dans celle de ses proches et amis- Win, Esperanza, la Grosse Cindy… Et puis, Bolitar n’est pas un détective classique- il change avec le temps et l’âge, il n’est pas figé… C’est aussi une des raisons qui m’avaient conduit à le mettre en sommeil ! Tous ces détectives, tous ces héros récurrents, à un moment on se dit : il lui arrive tellement de choses, c’est dingue… et aussitôt, on s’interroge : mais est-ce possible dans la vie d’un seul homme ?

Y a-t-il des points communs entre Harlan Coben et Myron Bolitar ?
J’ai joué au basket-ball- dans une équipe de college : Bolitar, c’est sûr, joue mieux que moi ! Bon, je suis un meilleur danseur que lui et moi, je suis avec ma femme depuis vingt ans ! En fait, Bolitar et moi, on est jaloux l’un de l’autre… Mais surtout, Bolitar, c’est moi en version plus aboutie : meilleur basketteur, il se bat mieux que moi, il est plus drôle et plus loyal que moi ! Il est aussi un meilleur ami que moi…

Promets-moi, c’est bien sûr un roman à suspense, un thriller. Mais transpire aussi au fil des pages le problème des relations parents- adolescents ?
Déjà, une mise au point : je ne peux pas écrire un livre concentré sur un serial killer ou une conspiration politique autour de George Bush… J’aime bien insérer des histoires dans l’histoire. Mais je n’ai pas cherché à faire une thèse sur le rapport parents- ados… Vous savez, il y a toujours des frictions entre les parents et leurs enfants- ce sont des tensions normales, générationnelles. J’écris sur la famille, avec des situations ordinaires. Mes héros, ce sont des gens comme vous et moi, ils essaient de faire de leur mieux. Et quand en terminant mon livre, le lecteur arrive à s’identifier à un de mes personnages, alors là, oui, je pense que c’est un bon livre. Parce qu’en vérité, il n’y a que ça qui compte : le livre est bon ou mauvais, c’est tout…

N’empêche ! au fil de vos romans, il se dégage une « méthode Coben ». Un style à vous seul…
Peut-être… En fait, je pense que les choses ne sont jamais totalement blanches ou totalement noires. Moi, je travaille sur le gris. J’ai plaisir à rapporter la complexité des situations, à ausculter le côté nuancé des choses…

Autre caractéristique : un rebondissement à la fin de chaque chapitre ? Ca sent la technique…
Mais chaque page, chaque paragraphe doit rebondir sur le précédent. Oui, à la fin de chaque chapitre, je mets le récit en suspens- comme en suspension. Quand j’écris, je m’arrête sur chaque page, même sur chaque mot et je me demande si ce que je suis en train d’écrire va retenir l’attention du lecteur. Ce mot, cette phrase, est-ce suffisamment titillant ? est-ce que ça fait avancer l’histoire ?

En février dernier, Ne le dis à personne- le film de Guillaume Canet adapté de votre roman, a remporté quatre Césars…
… mais ce n’est pas mon film, c’est le film de Guillaume Canet. Je ne suis pas intervenu dans cette affaire, si ce n’est une petite apparition comme comédien ! Et cette adaptation d’un de mes livres au cinéma ne va rien changer à mon écriture… J’ai 45 ans, j’ai grandi en regardant le cinéma et la télé, c’est pour ça que j’ai une écriture très cinématographique. Et aussi pour ça que je sais très bien que je ne serai jamais le nouveau Marcel Proust !


Propos recueillis par ©Serge Bressan

>A lire : Promets-moi, de Harlan Coben. Traduit par Roxane Azimi. Belfond, 432 pages, 21 €.


 
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