INTERVIEW : Charles DANTZIG                         

Septembre 2007

Dantzig

Fin d’après-midi d’été parisien. Terrasse du bar d’un hôtel parisien, contigu à son bureau. Charles Dantzig sourit quand on lui glisse qu’il est un des phares de cette rentrée littéraire francophone avec son nouvel et quatrième roman, Je m’appelle François. En septembre 2005, il s’était fait remarquer pour son Dictionnaire égoïste de la littérature française, près de 1 000 pages dans lesquelles, avec un humour dégourdi et une liberté de ton rare, il touchait les intouchables de la littérature, réhabilitait les trépassés et autres malmenés. Dans Je m’appelle François, on retrouve ce style, cette écriture- très légers, très enveloppés d’humour, très pointilleux. La rumeur parisienne attribue déjà un prix d’automne à Charles Dantzig. Rencontre avec un auteur dont l’ambition est toute simple : écrire pour bousculer le monde, pour montrer ce que cache la société…

François Darré, le personnage principal de votre roman, est un sacré client ! Il n’hésite pas à lancer : « ‘’Je m’appelle François’’ est peut-être la seule phrase où je n’aie jamais menti dans ma vie »…
Enfant, François Darré n’a pas eu d’éducation. Son père est parti bien vite et sa mère avait la cuisse légère ! Du moins, sa seule éducation, il l’a reçue de son grand-père escroc qui lui enseigne que, pour s’en sortir, il y a la malhonnêteté. Surtout quand on a ni éducation ni instruction… Donc, François est devenu malhonnête. Attention, il n’est pas immoral- il est amoral. Il va agir sans malveillance : il n’a pas d’autre éducation, d’autres repères que ceux fournis par son grand-père ! J’ai voulu créer un imposteur qui ne soit pas cynique…

Comment vous est venu ce personnage d’imposteur ? Vous aviez des modèles ?
En fait, l’origine de ce roman est une photo du trompettiste de jazz, Chet Baker, vieux. En voyant cette photo, je me suis demandé comment un type qui a été, jeune, aussi beau est devenu aussi laid. Je crois que ce type a eu honte d’être beau quand il était jeune…  Ensuite, j’ai souhaité exprimer une certaine notion de la fatalité. Et dans la fatalité de la vie, il existe plusieurs possibilités : naître au mauvais moment, au mauvais endroit, dans la mauvaise famille… Et là, qu’est-ce qu’on fait avec ça ? Comment on s’en débrouille dans la vie ?

Peut-être mais ça ne justifie pas l’imposture !
Mais toute la vie de François Darré s’explique par ce qu’il recherche- et que nous recherchons, tous. Il cherche une personnalité ! Et lui, eh ! bien, il enfile des costumes, des panoplies. En lui, il y a un côté enfant, un côté artiste aussi. Partout où il passe, il essaie sincèrement. Attention ! il a aussi des défauts- un grand défaut, surtout : la mauvaise foi envers lui-même.

Conséquence : l’imposture ne fonctionne pas à tout coup…
Après avoir bricolé à Paris, il va aux Etats-Unis. Là, ça doit être l’apothéose de sa carrière… Mais François, il est comme ces candidats de la télé-réalité qui vont vers ce qui brille. Il va se brûler, il est tombé sur plus fort que lui : il tenait une célébrité, il se croit plus fort que la télévision quand elle l’interroge, tourne un sujet avec lui. Il se croit plus fort que la télé mais personne n’est plus fort que la télé ! A un moment, il se rend compte que le système lui a attribué un rôle, celui de bouffon, mais c’est trop tard.

Qu’a pu piéger un imposteur comme François Darré ?
La télévision a créé une notion la célébrité. Avant, ce qui importait, c’était la gloire- un système de célébrité fondé sur quelque chose… Mais la célébrité aujourd’hui est fondée sur le rien. Le meilleur exemple, c’est Paris Hilton !

Vous avez de la sympathie pour ce François Darré ?
Il est parti comme une flèche, dans un tourbillon d’irresponsabilité. C’est un type malin, intelligent, sensible, imaginatif. Il cherche surtout à guérir de son enfance. Mais je ne pense pas qu’on y arrive vraiment. On se débrouille, on colmate…

Pour ce roman, vous avez opté pour le format chronologique : l’enfance près de Tarbes, puis Paris, les Etats-Unis, Dubaï…
En ouverture de Je m’appelle François, je cite Sophocle. Ce n’est pas par hasard. J’ai voulu un livre simple comme une tragédie grecque. Un livre simple et dense. Le roman a une fonction très simple : montrer ce que cache la société, ouvrir une fenêtre sur le monde…

Qu’est-ce qui, alors, fait la différence entre un roman et un autre ?
Certainement pas l’histoire. Peut-être quelques images- mais l’image reste très rudimentaire, elle peut juste aider le lecteur à comprendre quelque chose. Quand, d’un livre, on se rappelle quelques images, c’est déjà merveilleux ! En fait, un livre n’existe que par la façon qu’il a d’être raconté. L’histoire, ce n’est rien… Raconter une histoire, c’est une speakerine à la télé ! Prenez l’histoire d’une belle-mère, d’un beau-fils, ça peut donner du Labiche ou Phèdre de Racine. L’écrivain est un danseur, il est plus ou moins balourd, plus ou moins aérien…  Mais il lui faut l’ambition. Oui, il faut partir dans l’écriture d’un texte avec les plus grandes ambitions…

Justement, quelle est votre ambition d’écrivain ?
Bouleverser le monde, bien sûr !

Propos recueillis par ©Serge Bressan

>A lire : Je m’appelle François, de Charles Dantzig. Grasset, 326 pages, 18,90 €.

Copyright 2007 SBLlivres ! – Serge Bressan
Pour toute reproduction (totale ou même partielle), prendre contact avec :
sblivres@free.fr


haut de page  /   interviews  /   accueil