INTERVIEW : Christophe DONNER                         

Octobre 2007



Sans bruit ni parade médiatique, il a écrit un des meilleurs romans de la rentrée littéraire automne 2007. Logique, donc, que Christophe Donner avec Un roi sans lendemain ne figure pas sur la première liste des nommés pour le Prix Goncourt… Assis dans une brasserie parisienne devant un café serré, l’auteur en sourit. Et précise, comme une fierté, que lui, il n’appartient à aucune chapelle, à aucun clan de la chose écrite. Mais voilà, au fil du temps, Christophe Donner bâtit une œuvre, alternant littérature classique et livres pour enfants. Une œuvre où le « je » tient une grande part. Mais cette fois avec Un roi sans lendemain, il abandonne ce qu’on a appelé l’autofiction pour raconter l’Histoire avec le tragique destin de Louis XVII, fils de Louis XVI et Marie-Antoinette, mort à 10 ans en 1795. En fait, Donner n’a pas son pareil pour surprendre, bousculer, attraper, charmer son lecteur. Parce que, une fois encore, il jongle à merveille avec ses personnages (le narrateur Henri Norden- anagramme peu cachée de son nom de plume, le jeune Louis XVII ou encore le révolutionnaire Jacques René Hébert) pour se raconter. Mais à l’opposé de certain(e)s qui se complaisent autour de leur nombril, Christophe Donner insuffle à son texte la grandeur de l’Histoire. D’une histoire, aussi. Rencontre.

Comment vous est venue cette idée d’un roman avec la figure de Louis XVII ?
Exactement comme ça se passe dans Un roi sans lendemain ! Un jour, un producteur de cinéma me téléphone : il me propose l’écriture d’un scénario d’un film avec, en personnage principal, le jeune Louis XVII. J’y ai consacré trois années de travail, et finalement ce producteur a laissé tomber l’affaire. Il n’y a pas eu de film. J’en ai fait un roman !

Avouez que s’intéresser à Louis XVII n’est pas banal… On a là, de l’Histoire de France, un personnage méconnu…
Surtout, il est sujet à histoires. Et c’est ça qui me passionne depuis toujours. L’histoire. Les histoires. Déjà tout petit, j’avais une angoisse, celle de ne pas pouvoir raconter à ma mère une histoire en rentrant de l’école ! Et quand on n’a rien à raconter, on est bien obligé d’inventer.

En même temps, vous avez la réputation d’être un auteur de l’autofiction…
Déjà, Donner, c’est un pseudo ! Et depuis longtemps, je vais au fil des histoires qui m’arrivent. L’amour, le sexe, ça me fait chier ! Par contre, les histoires d’amour ou de sexe, j’adore… Je ne suis jamais dans la théorie…

Comment avez-vous attrapé le virus de l’écriture ?
Au début, j’ai travaillé à partir d’un choc, la lecture de Mort à crédit de Louis-Ferdinand Céline. Ça m’a incité à écrire… Dans ce livre, il parle de l’enfance. Et moi, à 15 ans, ce que j’ai à raconter, c’est l’enfance. Je me suis trouvé alors un maître, une façon d’écrire. Mais en même temps, je suis piégé, je me mets à écrire comme Céline. Je mets très longtemps à écrire, je suis paresseux. Et puis, j’éprouvais une grande douleur pour arriver à être content de ce que j’écrivais. Ça a duré sept, huit ans avant que je n’arrive à présenter quelque chose. C’était Petit Joseph, mon premier livre publié en 1982.

Vous est-il arrivé de mettre en place des situations, des histoires pour pouvoir ensuite les écrire ?
Est-ce que je me construis à travers mes livres ? Non… Je dirai simplement que l’homme que je suis est très proche de l’auteur. Oui, je suis quelqu’un qui cherche qui est Christophe ? Mais quand j’écris, je suis sous l’emprise de l’histoire. Ça me donne de l’audace. Et parfois j’ai même peur de faire des choses… Je suis soumis à l’histoire, tant pis pour les autres, tant pis pour moi. L’histoire est maîtresse de tout, l’écriture se pliera à elle… J’ai eu des ennuis avec mon grand-père, avec mon oncle… J’ai mis les histoires au dessus de tout, et dès que j’en chope une, j’y vais à fond. Parce que mon métier, ma vocation, c’est ça précisément, raconter des histoires. Je suis en permanence à l’affût.

N’empêche ! on peut aussi se laisser griser, favoriser une histoire…
Je suis un chroniqueur d’histoires. Je m’accroche tout le temps à l’histoire. Mais je ne ferai pas de mal à quiconque pour le simple plaisir d’avoir une histoire… Je suis quelqu’un d’assez sympa, pas pervers. Je déteste être trompé. Je ne fais rien pour que les choses se passent mal- là, ce serait une perversion.

Quand on évoque votre écriture, on parle souvent de sa violence…
C’est l’énergie, la contention. La façon dont je contiens cette énergie. La contention de cette violence d’écriture, c’est l’intérêt dans mon écriture. Ce que vous appelez violence, c’est l’apparence du style. Il est violent, hargneux, « il touche le nerf » comme disait Céline… Tout ça me vient du militantisme, du communisme de mon père, c’était violent !

Et puis, avec Un roi sans lendemain, vous provoquez la controverse. Avec ce livre, on pourrait croire que vous militez pour le retour de la monarchie en France !
C’est mon goût de la contradiction ! Je suis un réactionnaire, au bon sens du terme- c’est  dire que je réagis à une situation donnée, mais sans espoir de la changer. Donc, dans mon esprit, il est nullement question de remettre la monarchie en France. Mais pour ce livre, je suis allé comme innocent dans ce lieu sacré qu’est la Bibliothèque nationale à Paris. J’y ai trouvé et consulté des récits de première main, j’ai découvert un 18ème siècle différent de celui présenté par la théorie marxiste et de gauche. L’Histoire, ce n’est vraiment pas la même chose dans les livres et dans les documents…

Votre objectif ultime quand vous écrivez ?
Je suis à la recherche du bonheur et de l’allégresse. L’écriture, c’est de beaux grands moments… et un livre, c’est comme une fusée. Il faut parvenir à mettre, au final, la capsule en orbite. Et alors, il n’y a plus besoin de communiquer avec la Terre !

Propos recueillis par ©Serge Bressan
 
>A lire: Un roi sans lendemain, de Christophe Donner. Grasset, 386 pages, 20,90 €.

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