INTERVIEW : Sebastian FAULKS                         

Février 2008

S.Faulks

L’homme est discret. Et rare. De Londres, on apprend qu’il ne goûte guère l’exercice des questions- réponses, lui qui fut pendant une vingtaine d’années journaliste au Daily Telegraph puis à The Independent. Et puis, on retrouve Sebastian Faulks, 54 ans, dans un salon d’un hôtel de la rive gauche parisienne. Gabarit de troisième ligne aile, il sourit. Et vite, on enchaîne. On parle de son nouveau roman, le quatrième traduit en français : L’Empreinte de l’homme. Du lourd, plus de 600 pages. De l’épique, aussi. Avec un texte où sont habilement mêlées l’imagination fictionnelle et l’histoire vraie des sciences de l’esprit. Un livre important où Faulks manie avec rigueur la science et élégance les histoires d’amour. Rencontre.

Avec L’Empreinte de l’homme, vous mettez en scène deux jeunes à la fin du 19ème siècle qui vont, chacun à leur façon, participer à l’évolution des sciences de la folie Comment, écrivain, en vient-on à un tel sujet ?
Je vais vous rassurer tout de suite : je n’ai pas passé ces dix dernières années dans un asile. Et je n’ai pas plus un frère ou un père ou une mère atteint d’une maladie mentale… Mais comme vous, je connais forcément plusieurs personnes qui en souffrent. Et, pour un écrivain, la maladie mentale est un sujet fascinant…

Sûrement, mais encore faut-il trouver la façon de l’évoquer sans, pour autant, tomber dans l’exposé scientifique…
Bien sûr, mais il ne faut pas oublier, également, qu’une personne sur 100 est fragilisée par ce genre de maladie. Oui, dans le monde, une personne sur 100 présente quelque chose qui ne fonctionne pas dans son cerveau. Aujourd’hui, peut-être par facilité, on suppose que ce problème peut être d’ordre génétique. Et puis, comme la maladie est répandue dans le monde entier, on en est arrivé à l’hypothèse que cette histoire, en fait, a commencé avec l’origine de l’homme !

Comment avez-vous travaillé sur le sujet des maladies mentales ?
C’est un sujet qui me fascine et auquel je pense depuis une vingtaine d’années. Je savais qu’un jour, j’écrirai un roman sur ce thème. Et puis, je me suis mis à l’écriture après avoir longuement enquêté, à la manière d’un journaliste. J’avais tapissé les murs de mon bureau avec des papiers sur lesquels j’inscrivais des date lines. Mon roman court sur près de quarante années, alors pas question de se permettre la moindre incohérence dans le récit, dans les personnages et encore moins de se permettre des fantaisies avec la chronologie scientifique. J’ai aussi travaillé avec Tim Crow, professeur de psychiatrie à l’Université d’Oxford. Il a lu le manuscrit achevé, il n’était pas d’accord avec certain passages- il a fallu que je lui explique que c’était de la fiction. Que l’on puisse se dire que ça aurait pu être comme ça, et non pas comme le veut la vérité historique…

Au début du roman, on découvre Olivier, le frère d’un de Jacques, l’un des deux héros. Ce frère a été rejeté par la famille, il vit seul dans l’étable au prétexte qu’il entend des voix. Qu’il n’est pas normal…
…oui, c’est le grand débat sur le normal, l’anormal. Dans les années 1960, il y avait une thèse en vogue selon laquelle les gens fous sont normaux. Mais ça n’a pas tenu longtemps parce que les  fous, ceux qui souffrent d’une maladie mentale ne sont pas heureux, content. Et on trouve cela déjà dans la Bible avec Jean-Baptiste- on a là un portrait très clair d’un homme schizophrène.

Dans L’Empreinte de l’homme, on assiste à la naissance de la psychanalyse mais jamais, vous ne citez Sigmund Freud !
C’est une clause de style ! En fait, à travers mes deux personnages de Jacques Rebière et Thomas Midwinter, j’essaie de montrer comment Charcot et Freud ont tenté de faire un pont entre l’esprit e la matière.

En Grande-Bretagne, votre livre est paru en 2005. Il sort à présent en VF- vous l’avez relu ?
C’est étrange… J’ai relu quelques pages, et soudain tout m’est revenu. Les personnages, l’histoire…Oui, c’est comme si tout le livre  s’était posé pour toujours dans un coin de mon cerveau !

Et la presse londonienne qui vous a surnommé « le Balzac de Holland Park »- du nom du quartier où vous habitez…
C’est très anglais. C’est une belle façon de vous dire : « Oui, vous êtes arrivé à quelque chose de grand », mais aussitôt, on vous remet à votre place, là dans un quartier de Londres !

Le 28 mai prochain, à l’occasion du centenaire de la naissance de Ian Fleming, vous publiez Devil May Care tout simplement, une nouvelle aventure du célèbre agent secret, James Bond ! Le livre est annoncé pour le 2 juin en version française- titre : Le Diable l’emporte. Comment passe de l’écriture de L’Empreinte de l’homme à une aventure de James Bond ?
Tout simplement ! Mon agent littéraire est aussi l’agent de la famille de Ian Fleming. Et c’est une famille très « ambitieuse » pour le nom et l’œuvre de Fleming. Alors, pour ses membres, il n’y avait qu’une façon de célébrer dignement le 100ème anniversaire de sa  naissance : écrire un nouveau roman ! Et ils m’ont demandé si j’étais intéressé…

Alors ?
Ma première réaction a été de trouver l’idée ridicule. James Bond, ce n’est pas vraiment mon univers. Je ne me rappelais même pas si j’avais lu un des livres de Ian Fleming. Et puis, j’ai dit oui et j’ai lu les James Bond…Là, j’ai trouvé une écriture très simple chez Fleming, on n’est pas dans les aventures tarabiscotées, style Da Vinci Code. On sent bien que Fleming s’amusait beaucoup en écrivant.

Et votre James Bond, que nous réserve-t-il ?
J’ai proposé de placer l’intrigue non pas aujourd’hui mais en 1967, en pleine guerre froide. L’action se situe sur deux continents et dans les villes les plus palpitantes du monde…

Avec Devil May Care, vous avez fait un pastiche de Ian Fleming ?
Absolument pas ! Je n’ai voulu le copier, j’ai seulement essayé de m’approcher au plus près de Fleming. C’est, je crois, la meilleure façon de lui rendre hommage.

Propos recueillis par ©Serge Bressan

  >A lire : L’Empreinte de l’homme, de Sebastian Faulks. Traduit par Pierre Ménard. Flammarion, 624 pages, 23 €.

Copyright 2007 SBLlivres ! – Serge Bressan
Pour toute reproduction (totale ou même partielle), prendre contact avec :
sblivres@free.fr


haut de page  /   interviews  /   accueil