INTERVIEW : Claire FERCAK                         

Septembre 2007

Claire Fercak

Voix presque basse, modeste, elle dit : « Je vis tout ça au jour le jour ». Et ajoute : « Je ne fais pas de plan de carrière… » On se retrouve dans un bar parisien, entre Théâtre de l’Odéon et Jardin du Luxembourg. Sur la table, boissons pétillantes. Et Claire Fercak parle. A 25 ans, elle publie son premier roman, Rideau de verre. Un texte court, violent, extrêmement littéraire, formidablement structuré, parfaitement maîtrisé. L’histoire d’une gamine qui, malade, porte un mal lourd, trop lourd. L’histoire d’une gamine maltraitée par son père… On est bien loin, avec ce Rideau de verre, de la « littérature » qui fait mousse en cette rentrée d’automne, de ces livres signés par des renommés de la chose écrite. Claire Fercak cultive la modestie- même si elle a écrit un des plus vertigineux romans de cette saison. Flottent, autour d’elle, les fantômes de Samuel Beckett, Michel Foucault, Francis Bacon et Antonin Artaud, les compagnonnages de Sylvia Plath, Sarah Kane et Virginia Woolf- trois femmes bien amochées par la psychothérapie… Une évidence : on est là, avec Claire Fercak, en présence d’une auteure. Une vraie. Rencontre.

Un matin, on se lève et on se dit : « Tiens, je vais publier mon premier roman » ?
En fait, pour moi, il n’y a pas eu de déclic… J’ai toujours essayé d’écrire- toute petite, déjà. A l’école, je m’ennuyais, alors j’écrivais de petites histoires. Plus tard, à la faculté, j’ai rédigé un mémoire sur Samuel Beckett mais il me manquait la liberté du format. Quand j’étais au lycée, j’ai essayé d’écrire un roman- je l’ai retrouvé récemment, ce n’était pas vraiment terrible… Et puis, pour Rideau de verre, l’histoire est toute simple : j’avais écrit un petit conte, j’en parle à un ami qui m’incite à le reprendre, à en faire un roman. Ça a donné Rideau de verre, mais très franchement, lorsque j’ai débuté, je ne savais si je finirai…

Comment avez-vous travaillé sur ce texte ?
J’écrivais le soir et les week-ends… Impossible de faire autrement quand vous avez une activité professionnelle ! Alors, quand je reprenais mon texte, il me fallait me concentrer, me mettre au calme… il me fallait relire l’histoire, me replonger dedans… Je suis persuadée que si je n’avais pas relu, j’aurais eu la tentation de me défiler…

Comment avez-vous réagi quand vous avez eu entre les mains votre livre ? Votre premier roman…
La maison d’édition me l’a envoyé par coursier. Ça m’a procuré une grande émotion… J’avais remis le manuscrit en décembre 2005, on a signé le contrat en avril 2006… Le délai a été long, plus d’un an et demi. Mais quand je l’ai reçu, là oui, j’ai réalisé. Et j’ai pensé à mes proches, ils vont peut-être se dire : « Pourquoi elle est si triste ? » Je l’ai envoyé à mes parents, ma mère ne l’a pas encore lu- pour moi, leur avis compte le plus et je ne veux pas les décevoir.

Le texte de Rideau de verre est très lourd, quasi oppressant. Durant l’écriture, ça vous mettait dans quel état ?
Parfois, je me sentais très déprimée par ce que je venais de faire et de lire. Je me sentais alors très proche de l’héroïne. Et l’histoire avançant, j’avais la sensation de tomber ans un gouffre. Je m’enfermais encore plus dans cet univers…

Votre livre brille par une parfaite maîtrise du récit. Vous aviez, au départ, un plan de travail ?
En commençant, je n’avais pas d’idée précise… En fait, si, pour seul plan, j’avais la structure sur les sept jours- c’est la seule chose que j’avais et à laquelle je tenais. Au fil de l’écriture, j’ai bien compris que c’était assez contraignant mais c’était, pour moi, la seule façon de se retrouver dans le cerveau de la narratrice.

Maîtrise du récit mais aussi dans le choix des mots, on pressent une rigueur rare…
… J’ai étudié la philosophie et je pense que ça m’a aidé pour l’écriture : on ne peut pas mettre un mot pour un autre. Le mot juste me vient quasi naturellement. Chez moi, le mot a une importance capitale. Je suis excessive avec les mots : il est indispensable d’en peser le sens de chacun d’entre eux… Quand j’étais petite, je lisais le dictionnaire !

Avec un texte remarqué par le monde littéraire parisien, on se met à rêver ? à s’imaginer récompensée ?
Pour moi, l’écriture est un vrai plaisir… Et je suis encore étonnée par ce qui arrive. La publication du roman. De mon roman… On commence à me parler des prix mais je n’y pense pas ! Je n’ai pas de plan de carrière, je souhaite seulement écrire le plus possible. Je pense à l’écriture tout le temps, c’est frustrant quand vous avez une occupation professionnelle… En fait, d’une chose, je suis sûre : je veux écrire !

Ça veut dire qu’un deuxième roman est envisagé ?
Le deuxième est là, oui… Mais avant de me lancer dans cette nouvelle histoire, je vais avoir besoin des conseils de mon éditeur et peut-être devrais-je faire un voyage lointain… Et puis, il faudra vraiment qu’il y ait eu une rupture avec le premier. Actuellement, je pense encore trop à Rideau de verre…

©Propos recueillis par Serge Bressan

>A lire : Rideau de verre, de Claire Fercak. Verticales, 106 pages, 10,50 €.


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