INTERVIEW : Mathilda MAY                         

mars 2007


 Là, attablée avec thé Darjeeling et orange pressée, elle affirme : « Tout va très bien. Très très bien ! » Un sourire vertigineux éclaire le visage ceint de cheveux noirs. Pour ses retrouvailles avec le public, Mathilda May se glisse en librairie. Mieux : en littérature, avec un premier (et épais) roman, joliment titré Personne ne le saura. L’histoire de deux femmes, Alice et Morgane, isolées dans le désespoir, l’une professeure de piano, l’autre femme de… accrochée à l’alcool. L’une et l’autre n’ont plus qu’une idée : disparaître. Et comme on est dans le roman, surgit un événement qui les mènera sur un autre chemin. Dans les années 1980, Mathilda May a été une jeune comédienne plus que prometteuse ; aujourd’hui, femme à la quarantaine resplendissante, elle veut simplement être actrice de sa vie. Rencontre le jour de la parution d’un premier roman particulièrement réussi.

Il y a eu le cinéma, le théâtre, la chanson… et maintenant, l’écriture avec la parution d’un premier roman. On est toujours dans les mêmes sensations ?

Là, pour ce livre, j’éprouve un sentiment de délivrance, d’accomplissement. C’est un objet palpable. Et c’est la conséquence d’un travail de solitude. Parce que l’écriture, c’est l’obligation à l’isolement. Le plaisir de l’isolement, aussi…

Personne ne le saura est né d’une urgence ?

C’est plutôt le mélange de toutes mes expériences. C’est le résultat d’une quarantaine d’années de vie ! Et il faut bien tout ça pour trouver son vrai chemin… J’ai plusieurs passions, plusieurs modes d’expression- je ne suis pas seulement actrice… Aujourd’hui, je veux être actrice de ma vie. J’ai besoin de me responsabiliser- c’est rarement le cas quand on est comédien, on est un peu assisté…

Ce n’est pas évident de résister quand le succès arrive vite et qu’on a à peine plus de 20 ans…

Mais moi, longtemps, j’ai pensé que j’étais responsable. En fait, je n’étais pas maîtresse de la femme que j’étais. Je renvoyais l’image que les autres attendaient et voulaient de moi. Quand j’ai débuté au cinéma, je sortais de la danse- j’ai pratiqué pendant plus de dix ans, j’ai eu le premier prix au Conservatoire national de Paris et là, j’ai évolué dans un état de soumission incroyable. Alors quand je débarque au cinéma, on me parle, on me fait des compliments… Il m’a fallu du temps pour découvrir que c’était un leurre…

Vous regrettez de ne pas avoir été alors plus perspicace ?

J’ai fait de belles rencontres. J’ai tourné avec Yves Montand, Peter O’Toole, Richard Gere, Bruce Willis, Pierre Arditi… Mais c’est vrai, je n’étais pas assez actrice de ma vie.

Peut-être, sans même vous en rendre compte, vous étiez-vous égarée ?

Je dirai que chaque chemin a son sens. Et pour arriver là où je suis parvenue, ce fut rarement des chemins directs. Quand j’ai eu mes enfants, là ça a été la révolution absolue de ma vie. J’ai pris du recul et alors, les gens vous oublient. Et l’oubli, c’est toujours très douloureux pour l’ego…

C’est aussi à ce moment-là que vous décidez le passage à l’écrit…

J’ai trouvé un endroit qui réunit tout ce qui m’a formée- en particulier, la musique qui est ma respiration, ma base de vie… Et ce n’est pas vraiment un hasard si mon écriture est très musicale. Je suis attachée à la rythmique des phrases. La musique est omniprésente dans l’écriture et pas seulement avec le personnage d’Alice qui est professeure de piano !

De cette première expérience littéraire, que retenez-vous ?

Jusqu’au milieu de l’écriture de mon roman, je ne savais pas si j’allais parvenir au terme de l’histoire. J’ai souvent été assaillie par des vagues de doute… L’écriture, c’est un combat avec des moments d’interrogation violente. C’est une bataille entre le doute et la conviction.

Dans Personne ne le saura, vous avez mis beaucoup de vous ?

Dans l’écriture, j’ai découvert un lieu extraordinaire. Qui va me permettre de me sentir moins obligée de me justifier. Le livre parle pour moi. Et aujourd’hui, quand j’ai dans les mains cet objet, je vais peut-être paraître présomptueuse mais je suis fière d’être allée au bout !

Propos recueillis par ©Serge Bressan 

>A lire : Personne ne le saura, de Mathilda May. Flammarion, 434 pages, 19 €.

 
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