Février 2007
Ce grand livre, roman d’envergure, n’est pas seulement un
texte d’espionnage parfaitement maîtrisé. L’air de rien, Jean-Christophe Rufin
(toujours aussi intéressé par un thème qui lui est cher : le rapport Nord-
Sud) fait œuvre de pédagogie. Et déroule un texte écologiquement incorrect. En
Europe, on en est encore à l’écologie « bon enfant »- mais dans un
discours écologiste aux Etats-Unis, on peut aussi entendre qu’il y a « de
plus en plus de pauvres sur une planète qui s’épuise ». Voilà donc, poussé
à son extrême, un raisonnement qui va justifier une épidémie par le choléra.
Evidemment, les « écolo-terroristes » ont ciblé le Cap-Vert ou les
« favellas » de Rio de Janeiro, parce que, ans le tiers-monde, le
combat contre la pauvreté aura toujours pour seules victimes les pauvres. Oui,
entre de nombreuses qualités, Le Parfum d’Adam pointe le curseur sur le danger
que représente l’écologie radicale. Rencontre avec un auteur qui, à travers ses
livres, veut « parler à beaucoup de gens ».
A peine sorti, Le Parfum d’Adam caracole en tête des ventes et vous, pendant ce temps, vous filez en Ethiopie !
Je suis le premier étonné de ce qui arrive ! Mais en
même temps, je ne ressens pas de choc violent… Le premier choc, je l’avais eu
avec L’Abyssin, paru en 1997 et qui m’a valu le Goncourt du Premier roman. Mais
franchement, chez moi, le Goncourt, ça n’a pas créé de vertiges de la page
blanche. Moi, je n’ai pas eu le Goncourt triste !
Pendant l’écriture de ce Parfum…, vous étiez aussi directeur
de l’association Action contre
… et c’est la première foi que j’ai écrit dans les avions,
les hôtels, partout dès que j’avais un moment libre. La rédaction de ce roman a
été une grande souffrance. Et puis, à la même période, je changeais d’éditeur,
je quittais une maison où l’on était assis sur la littérature et là, j’arrivais
chez des gens qui vont chercher le public…
Bien sûr, comme dans tout bon thriller, il y a l’énigme l’intrigue mais reconnaissez que votre livre va faire débat en mettant au grand jour une écologie méconnue en Europe…
D’abord, je tiens à préciser que ce n’est que coïncidence si
mon livre paraît en même temps que la grande vague écologique portée par
Nicolas Hulot. Le « hulotisme », c’est une sorte de naïveté un peu
rafraîchissante ! Mais il faut savoir qu’il y existe plusieurs écologies.
Le mouvement écologiste, ce n’est pas seulement l’écologie pour tous, une
espèce d’alternative pure contre la politique impure. Aux Etats-Unis, il y a
une écologie radicale, la « deep ecology » qui tient l’homme pour une
espèce comme toutes les autres sur
Votre thèse est écologiquement incorrecte…
Mais il y a une écologie nazie, il ne faut jamais
l’oublier : au nom d’un certain devoir, elle peut faire mourir. Et il se
trouve qu’aujourd’hui, sur notre planète, il y a un grave problème de
surpopulation. Reste à trouver la solution pour régler ce problème. Mais encore
faut-il savoir s’extraire du politiquement correct.
Ted Harow, le gourou des Nouveaux Prédateurs- les écolo-terroristes de votre Parfum d’Adam, a du sang indien dans les veines…
D’abord, je précise que des types comme Ted Harrow, il en
existe aux Etats-Unis. Peut-être paraissent de doux rêveurs, d’inoffensifs
penseurs mais certains comme mon personnage se mettent en tête d’appliquer
leurs thèses, leurs écrits. Et puis, oui, Harrow a du sang indien qui lui coule
dans les veines- mais les Indiens d’Amérique ont toujours éprouvé une certaine
humilité devant la nature. Voilà certainement pourquoi le modèle indien a
toujours fonctionné dans la contre-culture.
Après avoir compilé la documentation, comment surgit l’idée du Parfum d’Adam ?
Je démarre toujours sur une image. Et je travaille dans le silence, je n’écoute pas de musique. Mais je ne dois pas oublier, quand je m’attaque à l’écriture du Parfum…, que je suis romancier, et non pas essayiste. C’est un livre qui a mûri en moi pendant très longtemps, j’ai changé les formes et les structures.
Les défauts et les qualités du Parfum d’Adam ?
Je regrette, je l’avoue, que le ressort ne soit pas assez tenu : il me semble aujourd’hui que le danger qui guette l’héroïne n’est pas suffisamment fort. Un défaut que je contrebalance avec deux qualités ! La première : pour ce livre, le fait d’exister ! Et puis, la possibilité de parler du présent, d’avoir trouvé le moyen d’accompagner le lecteur à travers des réalités contemporaines. Ce livre, je dirai que c’est une pédagogie souple. Parce que je ne revendique pas le statut d’écrivain. Savoir si je suis ou non un écrivain, ça ne m’intéresse pas. Moi, je veux simplement parler à beaucoup de gens. Alors, oui, je relève le défi d’une littérature populaire et de qualité. Mais écrire un livre grand public, c’est un effort, c’est difficile…
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