INTERVIEW : Bernard VIOLET                         

Novembre 2007

B.Violet

Un visage de brume. Une filmographie vertigineuse- 100 films, à ce jour. Un buste en Marianne dans les mairies de France dans les années 1980. Et ces mots : « On se trompe toujours sur la vie des gens célèbres. Les livres, les journaux ont tendance à romancer la vie des stars, à supprimer des aspects dérangeants ou les erreurs », murmurés par Catherine Deneuve. « La » Deneuve- comme on l’appelle. Une étoile du cinéma. Une femme française qui a fêté, le 22 octobre dernier, son 64ème anniversaire. Une légende, un mythe. Aussi, un mystère que, dans Deneuve. L’Affranchie, décode et décrypte Bernard Violet, spécialiste ès biographies. Et la star en prend un sacré coup. Avec révélations à l’appui…

Après le commandant Cousteau, Alain Delon, Mylène Farmer ou encore Johnny Hallyday, avec votre nouveau livre vous tirez encore sur une star…
Oui, Catherine Deneuve, c’est une « grosse pointure »- comme dit mon éditeur ! Et puis, cette femme m’a toujours fasciné. Autour d’elle, il y a un halo de mystère. Voilà un personnage qui a toujours su préserver sa vie personnelle. Ça tombe, moi, j’aime fouiner ! Et comme souvent, avec Catherine Deneuve, il a fallu remonter à son enfance. Là, on y trouve bon nombre d’éléments qui expliquent son personnage…

Par exemple ?
Son père. Maurice Dorléac était comédien. Il a tenu beaucoup de petits rôles au cinéma. Pendant l’enquête, je me suis intéressé aux parents de l’actrice. Et j’ai vu que son père a tourné dans pas mal de films pendant la Deuxième Guerre Mondiale. J’ai rencontré un historien spécialiste du cinéma sous l’Occupation, il m’a dirigé vers les Archives nationales et là, j’ai trouvé que Maurice Dorléac a, durant cette période, travaillé pour 76 émissions de Radio Paris et, au printemps 1944, tourné dans deux films pour la « Propaganda Abteilung in Frankreich », l’organisme de propagande nazie. Et en 1945, il sera condamné à six mois d’interdiction de travail au théâtre et au cinéma.

Jusqu’à Deneuve. L’Affranchie, jamais n’avait été évoquée cette période de la vie de son père ?
Jamais. C’est une vraie révélation. Qui met en perspective une bonne partie de la carrière de Catherine Deneuve. Qui explique, au moins, ses débuts. Elle a trimballé longtemps l’héritage du père, les secrets de famille. Oui, je maintiens que le passé trouble de son père est une des clés du mystère Deneuve.

Vous avez idée du moment où elle a réussi à exorciser ce passé paternel ?
Ce passé, j’en ai la certitude, a influencé son imaginaire. Et elle s’en est servie pour ses débuts au cinéma. Elle a toujours prétendu n’avoir jamais cherché à faire du cinéma. Mais n’oublions pas qu’elle a baigné, gamine, dans cet univers. Elle est une enfant de la balle. Et dans l’entourage des parents, il y avait les amis- dont deux journalistes, François Chalais et France Roche, qui ont largement contribué à la faire avancer dans ce monde du cinéma.

Elle avait quand même un peu de talent ?
A ses débuts, Catherine Deneuve était surtout une grande beauté. Sa sœur, Françoise Dorléac, elle, avait la vocation. C’était un talent resplendissant. C’était loin d’être le cas de Catherine Deneuve à ses débuts. Mais elle a toujours eu une qualité : elle a toujours été très lucide à l’égard d’elle-même. Elle est calculatrice, habitée d’une ambition dévorante.

Ce qui n’empêche pas qu’elle soit une star du cinéma mondial…
Une star, oui. Et sûrement la dernière star du 20ème siècle. Mais chez elle, il y a toujours ce côté calculateur pour atteindre la gloire. On lui reconnaîtra, certes, ses choix pour certains films risqués et sulfureux mais demeure l’ombre du calcul : ne choisissait-elle pas ces films parce que le scandale fait vendre ?

Catherine Deneuve, c’est aussi la réputation d’une femme d’argent !
A son sujet, je parle de frénésie financière. Ses rapports à l’argent sont très complexes. A ses débuts, quand elle partageait la vie du réalisateur Roger Vadim, elle vivait sur un rythme très élevé- ce que ne manqua pas de lui reprocher son père. Par la suite, quand ça s’est gâté pour elle et qu’elle a moins tourné, elle a prêté son nom  des industries, à des soirées people, elle s’est fait payer pour sa présence à des dîners. Elle sait monnayer sa participation- ce sont des sommes en liquide, nettes d’impôts ! Elle a aussi créé sa société, la Deneuve SA- une société dont la gestion est loin d’être orthodoxe !

Aujourd’hui, combien « vaut » la comédienne Catherine Deneuve ?
Pour un film, elle perçoit un cachet moyen de 450 000 euros. On est loin des sommes versées à Daniel Auteuil, Gérard Depardieu, Gad Elmaleh ou Jamel Debbouze.

Politiquement, en France, on la classe à gauche…
Elle n’a pas une grande conscience politique. Elle est profondément égoïste, elle méprise les gens. Alors, oui, on la classe à gauche. Pour la présidentielle 2007, elle a pris position pour Ségolène Royal mais c’était au nom du féminisme. Et comment pourrait-elle être de droite ? En France, la droite, c’est le gaullisme et après la guerre, les gaullistes n’ont pas fait de cadeau à son père… Surtout, elle ne voit pas l’intérêt de s’engager dans un parti : elle est une hypocrite, toutes ses prises de conviction répondent à un calcul… Catherine Deneuve, c’est la gauche caviar ! Et les gens ne s’y trompent pas : elle est populaire, oui, mais elle n’est pas généreuse. Elle est reconnue, pas aimée…

Propos recueillis par ©Serge Bressan

>A lire : Deneuve. L’Affranchie, de Bernard Violet. Flammarion, 482 pages, 21 €.

 

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